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01 Déc

Retour sur la polémique des huiles essentielles de lavande et tea tree

Il y a près d’un an, l’ensemble des médias pointaient du doigt les huiles essentielles de Lavande et de Tea Tree alors suspectées comme perturbateurs endocriniens (PE).

En 2007, Henley et al. publient un étude relatant trois cas de gynécomastie (développement excessif des glandes mammaires) chez des garçons pré-adolescents, avec comme seul lien entre les trois cas une utilisation de produits de soin à base d’huiles essentielles de lavande et de tea tree.

Dix ans plus tard, cette étude ressort dans les médias. Citée en premier lieu par le magazine 60 Millions de Consommateurs qui cible des produits anti-poux contenant des huiles essentielles, elle sera reprise suscitant alors chez le consommateur des craintes qui, en réalité, n’ont pas lieu d’être.

Le SCCS (Scientific Committee on Consumer Safety) avait conclu quelques mois après l’étude de Henley et al. que le lien de causalité entre les cas de gynécomastie et les huiles essentielles n’était pas plausible . En effet, dans les produits incriminés, du fait des contraintes de formulation et réglementaires, il n’y a qu’entre 0,2 et 2,5 % d’huiles essentielles et la plupart de ces produits sont rincés. En outre, aucune étude clinique ne confirme une quelconque perturbation endocrinienne due à ces huiles essentielles. Enfin, le SCCS conclut que les composés suspectés d’être actifs au niveau hormonal ne pénètrent pas la peau.

Objectivement, les huiles essentielles sont bien « actives » vis-à-vis du système endocrinien, comme certains phytoestrogènes , mais aucune perturbation n’a été objectivée à ce jour. Il serait ainsi plus juste de définir les huiles essentielles comme des Substances Actives Endocrines (SAE), de même nature que de nombreuses substances alimentaires (comme le soja), que comme des PE.

Seulement quelques mois plus tard, le sujet est ravivé par l’équipe de recherche de J. Tyler Ramsey, lors d’une communication orale à l’occasion du congrès ENDO 2018. Il y présente alors les résultats d’une étude in-vitro mettant en cause certains composés des huiles essentielles de lavande et de tea tree (eucalyptol, 4-terpineol, limonene, linalool, alpha-terpinene…). Le sujet fut alors relayé massivement dans les médias, en France comme à l’étranger, avec un impact significatif sur les consommateurs.

En 2019, les résultats in-vitro de Ramsey sont enfin publiés officiellement4 dans The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism et s’accompagnent d’une présentation de quatre nouveaux cas cliniques de gynécomasties chez des garçons et de thélarches (développement des seins) précoces chez de jeunes filles, présentés comme induits par l’utilisation quotidienne de produits contenant de l’huile essentielle de lavande.

Le Consortium HE, en relation avec l’ATTIA – Association Australienne de l’Industrie du Tea Tree, s’est saisi du sujet et plusieurs failles ont alors été identifiées :

• Les produits incriminés contiennent-ils réellement des huiles essentielles ? Non, les deux eaux de Cologne, Agua de Violetas de Crusellas et Mi Tesoro, ne contiennent en réalité aucune trace de lavande, d’huile essentielle ou même de tout composé odorant naturel. Les fragrances sont purement synthétiques. Le troisième produit, le savon pour bébé Baby Magic contient seulement des traces d’huiles essentielles (lavande et camomille) mais notons qu’il s’agit d’un produit rincé.

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• Que contiennent-ils d’autre ? Les deux eaux de Cologne Agua de Violetas de Crusellas et de Mi Tesoro contiennent de nombreux composés synthétiques :

– Des fragrances synthétiques avec de potentiels allergènes (alpha-isomethyl-ionone, limonene, benzyl benzoate, lilial)5, – Des colorants, dont des colorants azoïques considérés comme suspects d’un point de vue toxicologique (cancérigènes, allergènes),

– Du diethyl phtalate, composé suspecté de perturbation endocrinienne. Le savon Baby Magic contient quant à lui des traces importantes de phénoxyéthanol, composé pour lequel plusieurs études toxicologiques suggèrent une toxicité pour la reproduction et le développement à fortes doses chez l’animal (sans que de tels effets aient toutefois été rapportés chez l’homme).

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• Des données in-vitro selon une méthodologie discutable – Pour prouver l’activité endocrinienne des substances, les auteurs ont utilisé des concentrations jusqu’à un million de fois supérieures à la concentration de la molécule témoin. L’activité endocrinienne des substances ainsi obtenue est très faible comparée à l’activité des huiles essentielles (6 fois moindre).

– L’extrapolation physiologique de telles expériences peut être questionnée car aucune information sur la biodisponibilité des composés n’est présentée.

– Les huiles essentielles ont la faculté de dissoudre et entrainer la migration de perturbateurs endocriniennes avérés tels que des bisphénols ou phtalates contenus dans le matériel en plastique utilisé pour les essais. Les échantillons alors contaminés peuvent fausser les résultats10. – Les huiles essentielles peuvent contenir des traces de pesticides responsables de perturbation endocrinienne. Les auteurs n’ont pas recherché la présence de ces potentiels contaminants.

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En conclusion, cette étude ne permet en aucun cas de lier l’huile essentielle de lavande aux différents de cas de perturbation endocrinienne pédiatrique, ni de lui conférer des effets délétères.

Retrouvez les références associées en consultant directement notre lettre à l’éditeur de l’article de Ramsey publié en 2019.


[1] Prepubertal Gynecomastia Linked to Lavender and Tea Tree Oils, Henley et al, N Engl J Med, 2007

[2] Opinion on Tea tree oil, Scientific Committee on Consumer Products SCCP, 2008

[3] Estrogenic terpenes and terpenoids: Pathways, functions and applications, Kiyama, Eur J Pharmacol, 2017

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