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14 Déc

Huiles essentielles antibactériennes et antivirales : des preuves scientifiques modernes

Le Consortium HE fait le point régulièrement sur les avancées scientifiques modernes concernant les huiles essentielles (HE). Dans l’actualité, les pouvoirs antimicrobiens des HE s’imposent dans les discussions.

Des huiles essentielles pour lutter contre les virus

Ziti-Freville en 2019, décrypte les mécanismes d’actions des HE sur les virus. Suivant la composition des huiles essentielles et les virus sur lesquels elles peuvent agir, les modes d’actions sont multiples : attaque de l’enveloppe du virus et neutralisation, blocage des récepteurs cellulaires du virus, inhibition de la réplication virale intracellulaire, ou encore augmentation de la résistance des cellules saines.

On note par exemple, l’efficacité des huiles essentielles d’eucalyptus, de thym et de tea tree contre le virus de l’herpès (HSV-1) dont elles inhibent 96% de la réplication (Astani 2009). Le tea tree est aussi un inhibiteur du virus de l’herpès labial (Carson 2001, 2006) ou du virus de la grippe H1N1 (Garozzo 2009). D’après des observations cliniques, s’ajoute à son pouvoir antiviral, des effets antibactériens et antifongiques, principalement attribués à la molécule terpinen-4-ol.

En diffusion, les huiles essentielles d’eucalyptus globulus et de bergamote ont montré une activité significative contre le virus de la grippe, après 10 minutes d’exposition (Vimalanathan 2014).
Par ailleurs, on sait maintenant que certaines bactéries offrent des conditions de réplication favorables aux virus. Pour prévenir les surinfections, et surtout pour limiter cette coopération bactérie / virus qui aggrave les symptômes, les cliniciens associent des antibiotiques aux traitements des affections virales (azithromycine, doxycycline…). Une démarche indispensable mais qui contribue au développement de bactéries multirésistantes aux antibiotiques.

Les huiles essentielles pour lutter contre les bactéries multirésistantes

L’antibiorésistance est un problème de santé publique majeur : les bactéries résistantes se sont multipliées grâce à des mécanismes d’adaptation très efficaces et les antibiotiques perdent ainsi peu à peu de leur efficacité notamment lors d’infections hospitalières. La prise de conscience de cette menace est récente, avec un premier plan d’action établit par l’OMS seulement en 2015. L’enjeu est de limiter au strict nécessaire l’usage des antibiotiques et d’offrir une diversification des moyens thérapeutiques antibactériens.

L’utilisation d’huiles essentielles montre leur intérêt dans cette démarche, notamment grâce à l’action antibactérienne de composés phénoliques comme le thymol, le carvacrol ou l’eugénol. La preuve de l’activité antimicrobienne des huiles essentielles n’est plus à faire. Décrite en 1881 pour la première fois par Delacroix (Boyle, 1995), de nombreuses huiles essentielles ont depuis été définies comme telles.
Contre les bactéries, les HE ont des mécanismes d’action, décrits en 2017 par Bouyahya et Chouan, qui différent de ceux des antibiotiques. Elles peuvent agir :

Via une action primaire sur la paroi :
Les membranes des cellules bactériennes sont faites de couches lipidiques. Les HE, par leur caractère lipophile, ont des affinités avec ces membranes. Elles s’y accumulent entre les phospholipides, désorganisent la membrane, perturbent le transport transmembranaire et entrainent des fuites des ions intracellulaires causant la mort de la bactérie.

• Via une action sur les acides gras membranaires :
Grace au caractère hydrophobe des HE, une altération de la synthèse des acides gras insaturés est induite, entrainant une altération structurelle de la membrane et conduisant à la rupture membranaire puis à la mort de la cellule. Les composés phénoliques de type thymol, carvacrol et eugénol sont les plus efficaces.

Via une action intra-cellulaire :
Lorsque les HE ont pénétré la bactérie, elles peuvent inhiber la division des cellules (effet du cinnamaldéhyde sur Bacillus cereus), inhiber les toxines bactériennes (effet du carvacrol sur Bacillus cereus) ou encore altérer la chaîne respiratoire et conduire à la réduction de l’ATP intracellulaire, l’insuffisance d’énergie cause alors la mort de la cellule (HE d’origan contre Listeria monocytogenes et Staphylococcus aureus).

Via une action sur le Quorum Sensing :
Dans la nature les bactéries ne sont pas isolées les unes des autres comme on peut l’observer en laboratoire mais s’organisent sous la forme d’un biofilm qui les protège. Lorsque les bactéries sont suffisamment nombreuses, elles communiquent grâce au “Quorum sensing” : une sécrétion de substances, tel un signal, qui induit la production du biofilm. Pour agir sur les bactéries il faut donc commencer par rompre ce biofilm ou inhiber sa formation : sans biofilm la bactérie se retrouve alors exposée et plus vulnérable. De nombreuses HE ont le pouvoir d’inhiber la synthèse du précurseur de ces auto-inducteurs : clou de girofle, lavande, romarin, thym avec comme molécules actives l’eugénol, le carvacrol ou le thymol par exemple.

Les études suivantes ont montré que des huiles essentielles peuvent potentiellement venir se substituer à un antibiotique lors d’une situation d’échec thérapeutique face à des bactéries résistantes. Les usages décrits ne doivent être mis en oeuvre qu’avec un médecin ou un service hospitalier rompu à l’usage des HE mentionnées :
 
Etudes en milieu hospitalier de la substitution d’un antibiotique par une HE :
Ainsi, la première option réside dans la substitution d’un antibiotique par une HE. L’efficacité de l’HE de tea tree a été démontrée contre le portage nasal et cutané de staphylocoque, contre l’ostéomyélite chronique, pour la décolonisation de plaies chroniques avec accélération de la cicatrisation, pour le traitement des infections par voie locale (peau et tissus mous, infections post opératoires, gynécologie, appareil respiratoire, ORL) (Caelli 2000 ; Dryden 2004 ; Sherry, 2001 ; Edmondson, 2011).

Etudes en laboratoire de la substitution d’un antibiotique par plusieurs HE :
Des associations d’HE en remplacement d’un antibiotique peuvent aussi être envisagées. Des effets synergiques ont été montrés pour l’association de 3 HE (Blepharis cuspidata, Boswelliaagadensis, Thymus schimper) sur 3 souches (Staph. Aureus, E. Coli, Klebs. pneumoniae) (Gadisa, 2019).

• Combinaison entre HE et antibiotique :
Les HE peuvent permettre d’annuler la résistance d’une bactérie vis-à-vis d’un antibiotique. Les bactéries résistantes refoulent les antibiotiques qui les pénètrent par un système de pompe au niveau de la membrane. Les HE, qui agissent elles aussi au niveau membranaire, vont neutraliser l’action de la pompe et permettre aux antibiotiques de rester plus longtemps dans la bactérie où ils auront alors le temps d’agir. La bactérie redevient alors sensible aux antibiotiques. (Fadli 2011 ; Karimathil 2018 ; Alenei 2016).
Les combinaisons HE/antibiotiques demandent une expertise médicale pour être mises en œuvre.
Les propriétés antimicrobiennes (antivirales et antibactériennes) des huiles essentielles sont bien documentées dans la littérature scientifique mondiale.
Le succès dépend du bon usage des HE (posologie, voies d’administration…) et de nombreuses recherches sont encore en cours pour mettre en lumière tout leur potentiel.
Si la prévention peut relever de tout un chacun, un traitement et la mise en place d’un schéma thérapeutique pertinent est du ressort d’un professionnel de santé habitué à prescrire des huiles essentielles.
 

Références :

Ziti-Freville N. L’aromathérapie anti-infectieuse est-elle une alternative essentielle à l’officine ? Thèse de doctorat de pharmacie. 2019.

Astani A, Reichling J, Schnitzler P. Comparative study on the antiviral activity of selected monoterpenes derived from essential oils. Phytother Res. 2010.

Carson CF, Ashton L, Dry L, Smith DW, Riley TV. 2001. Melaleuca alternifolia (tea tree) oil gel (6%) for the treatment of recurrent herpes labialis. J Antimicrob Chemother.

Carson CF, Hammer KA, Riley TV. 2006. Melaleuca alternifolia (Tea Tree) oil: a review of antimicrobial and other medicinal properties. Clin Microbiol Rev.

Vimalanathan S. 2014. Anti-influenza virus activity of essential oils and vapors. American Journal of Essential Oils and Natural Products.

OMS. 2016. Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens

Bouyahya, A., Bakri, Y., Et-Touys, A. et al. Résistance aux antibiotiques et mécanismes d’action des huiles essentielles contre les bactéries. Phytothérapie. 2017.

Chouhan S, Sharma K, Guleria S. Antimicrobial Activity of Some Essential Oils-Present Status and Future Perspectives. Medicines (Basel). 2017.

Caelli M, Porteous J, Carson CF, Heller R, Riley TV. Tea tree oil as an alternative topical decolonization agent for methicillin-resistant Staphylococcus aureus. J Hosp Infect. 2000.

Dryden MS, Dailly S, Crouch M. A randomized, controlled trial of tea tree topical preparations versus a standard topical regimen for the clearance of MRSA colonization. J Hosp Infect. 2004

Sherry E, Boeck H, Warnke PH. Percutaneous treatment of chronic MRSA osteomyelitis with a novel plant-derived antiseptic. BMC Surg. 2001

Edmondson M, Newall N, Carville K, Smith J, Riley TV, Carson CF. Uncontrolled, open-label, pilot study of tea tree (Melaleuca alternifolia) oil solution in the decolonisation of methicillin-resistant Staphylococcus aureus positive wounds and its influence on wound healing. Int Wound J. 2011

Gadisa E, Weldearegay G, Desta K, et al. Combined antibacterial effect of essential oils from three most commonly used Ethiopian traditional medicinal plants on multidrug resistant bacteria. BMC Complement Altern Med. 2019

Fadli M, Chevalier J, Saad A, Mezrioui NE, Hassani L, Pages JM. Essential oils from Moroccan plants as potential chemosensitisers restoring antibiotic activity in resistant Gram-negative bacteria. Int J Antimicrob Agents. 2011

Karumathil DP, Nair MS, Gaffney J, Kollanoor-Johny A and Venkitanarayanan K (2018) Trans-Cinnamaldehyde and Eugenol Increase Acinetobacter baumannii Sensitivity to Beta-Lactam Antibiotics. Front. Microbiol.

Aelenei, P.; Miron, A.; Trifan, A.; Bujor, A.; Gille, E.; Aprotosoaie, A.C. Essential Oils and Their Components as Modulators of Antibiotic Activity against Gram-Negative Bacteria. Medicines 2016

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